Imai Niji - Like a melody

Je n'ai pas grand-chose à dire sur mon enfance, si ce n'est que mes parents se disputaient beaucoup. Mon père travaillait trop et ma mère le soupçonnait d'avoir une liaison... Peut-être plusieurs ? À vrai dire je n'ai sais trop rien. Quoi qu'il en soit, ils ont fini par divorcer. J'étais encore adolescent à l'époque et je crois que j'étais déjà blasé. C'était une suite logique. Ils ne s'aimaient plus depuis longtemps pour ne pas dire qu'ils se détestaient. De toute façon c'est ainsi que finissent les relations. Elles ne sont pas faites pour durer. Plus elles sont courtes, meilleures elles sont. À trop durer, on ne fait que se blesser.


J'ai grandit sans manquer de rien, du moins d'un point de vu matériel. Les derniers vêtements à la mode, la dernière console de jeu... J'avais tout sinon une famille unie mais ce n'était pas très important. Je n'étais pas l'unique fils de divorcé du coin. Tout ça me soulait plutôt et j'ai très vite compensé par d'autres plaisirs. J'avais des amis et puis à l'adolescence, c'est l'âge où on se découvre... Le sexe a très vite fait parti de ma vie. Le sexe mais le rock aussi. Je prenais des cours de guitare depuis mon enfance alors monter un groupe au lycée, c'était presqu'une évidence. D'ailleurs j'avais déjà décidé que je n'irais pas à la fac. Je voulais devenir musicien et j'étais certain d'y arriver.


Inutile de vous dire que ça n'a pas plu à mon père. Il avait déjà du mal à supporter mon look, mes façons de parler, mes fréquentations et mon goût pour la musique mais alors ça… C'était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. J'étais jeune à l'époque. Jeune, con et surtout prétentieux. J'étais persuadé de m'en sortir sans lui. Je n'avais pas froid aux yeux. J'étais déterminé et prêt à tout pour arriver à mes fins. Bien sûr, il m'a menacé mais vous savez quoi ? J'en avais rien à foutre. Je n'étais qu'à mi-temps chez lui et l'avantage quand vos parents se détestent, c'est que si l'un vous dit non, vous pourrez toujours compter sur l'autre pour faire ou dire exactement le contraire.


Je n'avais pas le soutien de mon père mais j'avais celui de ma mère. Elle était professeur de piano alors on peut dire que le goût de la musique, elle me l'avait transmis dès le plus jeune âge. Elle était inquiète et aurait au moins voulu que je suive un parcours plus classique mais elle n'a pas été à l'encontre de ma décision. Elle a plutôt essayé de m'encourager. Il faut dire que comme ça faisait enrager mon père, c'était parfait pour elle.


J'avais quand même un deal avec ma mère, je n'allais pas non plus vivre de musique et d'eau fraiche, ni glandouiller toute la journée. Alors j'ai pris un job pour être capable de m'assumer et pouvoir prendre un appartement dès que possible. C'est comme ça que j'ai commencé à bosser comme serveur puis barman. Le monde de la nuit était déjà un univers qui me fascinait et puis ça me permettait de rencontrer des gens, me faire des contactes, voir d'autres groupes jouer. Du pur bonheur surtout ces moments où avec mon groupe on montait sur scène. .


On était bon. On a même sorti un disc. On avait une réputation de mauvais garçons et je cultivais beaucoup ce goût pour la provocation et les scandales. J'aimais choquer et c'est sans doute pour ça que je me suis très vite, très tôt affiché comme bisexuel. C'était ce qui choquait le plus donc ce qui me plaisait le plus. On n’avait pas non plus peur du fan service sur scène mais également en dehors. Ça faisait crier les filles et c'était marrant. C'est à peu près à cette époque où j'ai posé pour un magazine gay et tourné dans un porno. A 23 ans, c'était pas mal. D'ailleurs on préparait notre deuxième disc. On avait le vent en poupe et franchement, je n'aurais jamais cru que ça s'arrêterais comme ça… si brutalement.

On avait sorti notre deuxième disc. C'était un succès. Je pensais que plus rien ne pourrait nous arrêter. J'étais loin d'imaginer ce qui allait m'arriver…

Je n'avais même pas bu ce soir-là, et très franchement je ne me souviens de rien. Pas même d'être monté en moto. C'est le trou noir total et ce que je sais, c'est uniquement ce qu'on m'a raconté. Apparemment j'ai eu un accident de moto. Il était grave et j'ai passé plusieurs semaines dans le coma. J'avais plusieurs fractures mais heureusement la colonne vertébrale n'était pas touchée. C'est ce que les médecins m'ont dit mais si eux se réjouissaient de la chance de tous les diables que j'avais eu, ce n'était pas mon cas. Je ne sais pas comment c'est arrivé mais j'ai eu les os de la main droite complètement broyés. Inutile de vous faire un dessin. Pour un musicien comme moi, c'était presque comme si on avait signé mon arrêt de mort en même temps que la fin de ma carrière.

La convalescence a été longue et douloureuse mais on peut dire que j'ai eu d’une certaine manière de la chance puisque j'ai presque retrouvé un usage total de ma main… Enfin presque car je ne peux plus jouer. Du moins pas plus d'un morceau.

Ça a été la fin de ma carrière. J'avais 25 ans et je ne savais plus quoi faire de ma vie.

Boire, fumer, baiser, déprimer. Voilà un rapide résumé de ma vie, après mon accident. J'ai bien entendu travaillé sur quelques projets. J'ai écris des chansons, participé à des shoot photos mais ce n'était plus la même chose. Ne plus pouvoir tenir ma gratte pour un concert, c'était trop dur. Peu à peu, j'ai arrêté de fréquenter les membres de mon ancien groupe mais également ceux que je connaissais dans le milieu. J'avais besoin de prendre de la distance mais surtout de passer à autre chose. Difficile de tourner la page quand le rêve de toute une vie se brise et à 25 ans, je ne savais plus quoi faire du temps qui me restait.

Un soir, alors que j'avais trop bu, j'ai rencontré un homme plutôt étrange. Je ne sais même pas si c'était réelle ou un rêve. Je ne me souviens plus très bien de ce qu'on s'est dit mais une chose est sûre, il m'a donné une annonce que j'ai retrouvé le lendemain dans la poche de mon jeans… Alors rêve ? Réalité ? Je n'en sais rien mais l'annonce était pour un bar qui cherchait un nouveau gérant. Je venais du monde de la nuit, j'avais de l'expérience mais surtout je ne savais plus quoi faire de ma vie, alors j'ai tenté ma chance et j'ai été pris. Depuis j'y suis toujours. Ça me plait même si le proprio est assez louche. Enfin tout ce que je vois passer et tout ce que je fais est parfaitement légale alors je ne vais pas me plaindre même s'il y a une porte dans le fond du bar, que personne en dehors du proprio n'a le droit d'ouvrir, pas même moi…  Bizarre, hein ? Mais vous savez quoi, vu la tête du patron ce n’est pas moi qui irait voir ce qui se passe derrière…