Ninomae R. Masahiko ❦ Une rose a toujours des épines ...

Époque Kamakura. Ère Katei. Japon . Province de Dewa

Ninomae  Masahiko est un fils de paysans issu d'une famille nombreuse. C'est un jeune garçon, puis jeune homme, ressemblant fortement à celui qu'il est aujourd'hui. Il est toutefois bien plus fluet qu'aujourd'hui, il fallait dire qu'il était légion à l'époque d'être dénutri. Comme beaucoup, il ne sait ni lire, ni écrire. Quant à son phrasé, il est pour sa part, inexistant.

Avant-dernier né d'une famille de 7 enfants, le jeune Ninomae Masahiko a poussé son premier cris le 4 janvier 1235. Comme ses pairs, c'est une vie au champ qui l'attend sous l’œil attentif des émissaires envoyés par les seigneurs du shogunat. À vrai dire, il ne se souvient guère de cette époque, peu intéressante ou gratifiante. Il s'entendait certes bien avec ses frères et sœurs, et pourtant, il serait bien incapable aujourd'hui ne serait-ce de se souvenir de leurs visages ou bien de leurs prénoms. À quoi bon ? Ils sont tous retournés à la terre depuis des lustres...

Bien que les années de shogunat étaient une période prospère pour le Japon, il fallait être fortuné pour les apprécier. Masahiko lui, s'était résigné à sa misérable vie et espérait au moins que la femme que l'on lui choisirait aurait au moins la décence d'être à peu près jolie. Voilà toute l'ambition dont il pouvait faire preuve à l'époque. Toutefois, c'était sans compter sur les invasions mongoles, qui allaient changer drastiquement le cour de la vie du Japonais...

En effet, bien que le Japon soit sorti vainqueur à l'époque, cela n'a pas empêché le jeune garçon de se faire enlever. Il ne le savait pas encore, mais c'était la dernière fois où il voyait les terres qui l'avaient vu grandir, présentement ravagées par les flammes dans ses souvenirs, et sa famille. Peut-être que certains avaient survécu à l'époque, et avaient alors suivi une nouvelle vie remplie encore une fois de servitude, quel grand changement...

Dynastie Yuan . 1271 – 1368. Chine. Province de Huguang. Tianzhou

Pour sa part, lorsqu'il avait repris connaissance, la langue dans laquelle conversait ses ravisseurs lui était à la fois inconnue et familière.... Mais bien sûr ! Du Mongol pardi !  Et encore.... une rizière... Décidément, à croire que ce métier lui collait à la peau... Il compris un peu plus tard qu'il était l'esclave d'un esclave. Comprendre là qu'à l'époque de la Dynastie Mongole Yuan les esclaves Chinois pouvaient eux-même posséder des esclaves. Ravi du travail de l'un de ces derniers, un seigneur avait offert en cadeau de la main d'oeuvre Japonaise maîtrisant déjà la riziculture.

À choisir, Masahiko aurait préféré à travailler dans le champ familiale. Il eu tout le mal du monde à se mettre à ces nouveaux dialectes et en garde encore un fort mauvais souvenir. Ses journées étaient encore rythmées par un travail physique et abrutissant. Les années sont passées et l'adolescent s'est mué peu à peu en jeune homme qui se savait condamné à passer le restant de ses jours dans un pays qui n'était pas le sien à servir des esclaves que trop bien lotis. Toutefois,le jeune Japonais ignorait encore qu'une fois de plus sa vie allait subir de nouveau les caprices du destin ou du hasard...

Une créature aux prunelles azurées se présente à nos yeux. Son sourire médisant dévoile des canines anormalement longues. Pas de doute, il s'agit toujours de Ninomae Masahiko, mais pourquoi tout ce sang sur lui et en particulier son visage ?

N'ayant pas travaillé assez efficacement la veille selon ceux qu'il servait. Il s'était retrouvé à devoir rattraper son retard de nuit à la seule lueur d'une flamme qu'il devait régulièrement embraser à nouveau. Tout était calme, si calme, trop calme.... Même le vent semblait avoir cessé son chant dans les arbres alentours. Il n'y avait que Masahiko, et seulement Masahiko. Toutefois, le paysan se sentait observé. Est-ce que l'un des maîtres d'oeuvre s'était levé pour vérifier qu'il se tenait bien à la peine que l'on lui avait infligé ? Pourtant il ne discernait aucune lueur aux alentours et n'était pas au courant d'un quelconque don  de vision nocturne chez ses geôliers.

Il eu à peine le temps de se retourner qu'il senti une douleur vive le saisir au niveau de son cou et une étreinte puissante tout autour de lui. La peur était telle que les cris qu'il aurait aimé pousser étaient massés en une boule nouée au fond sa gorge. Que pouvait-on bien pouvoir vouloir faire au cou d'une personne ? Le lui couper ? Pourtant son assaillant ne semblait pas vouloir attenter à l'unité de son être. Cependant, Masahiko se sentait de plus en plus faible et ses membres avaient arrêté de se mouvoir malgré sa volonté de fuir et de se débattre.

On était en train de le vider de son sang avec... des dents ? Mais quel était ce mode de mise à mort particulière ? Et pourquoi voulait-on lui en faire finir avec la vie ? Peut-être que les Kamis avaient envoyés un émissaire pour répondre à ses prières et le libérer de sa pénible existence ? Persuadé de ce fait, le Japonais avait alors laissé ses prunelles finir de se clore et s'était laissé glisser dans les limbes de l'oubli. Après cela, tout ne fut qu'obscurité et calme infini....

Lorsqu'il rouvrit les yeux, étrange d'ailleurs ....n'était-il pas censé être passé dans l'au-delà ? Lorsqu'il revint à lui, la première chose que vit Masahiko fut l'obscurité, à nouveau. Un étrange goût ferreux et de terre lui emplissait la bouche,  le faisant tousser bruyamment afin de chasser ces substances intruses. Mais où était-il ? Et pourquoi était-il dans un trou et de la terre retournée se trouvait juste à côté ? Ce fut la dernière pensée raisonnée qu'eu le jeune homme, la suite ne fut que chaos.

Ce qu'il était devenu ? Vous devez bien vous en doutez avec tout le folklore que nous avons à portée de connaissance aujourd'hui. Masahiko était bel et bien devenu un vampire après qu'un autre de son espèce aie jugé bon de le transformer. Nouveau né ignorant tout de sa force et de sa rage, il avait croisé l'un de ceux chargés de le retrouver suite à sa disparition de la veille. Il fut tout bonnement décapité et à moitié dévoré, une soif insatiable et impérieuse asséchant la gorge en feu du Japonais. Mais... le massacre ne s'était pas arrêté là, ô que non....L'ancien esclave s'était acharné sur toute la maisonnée qu'il avait mis à feu et à sang, semant chaos et destruction sur son funeste passage. Les flammes rugissaient et les chants d'agonie résonnait en une douce litanie à ses oreilles.

La créature se lançait alors dans de longues années d'errance où elle allait devoir apprendre seule que le soleil ne ferait jamais plus partie de son existence et que le sang était son seul oxygène.... Il fallut pas moins de cinquante ans de solitude désordonnés pour que le vampire apprenne à se modérer et ne retrouve complètement le fil de ses esprits. Bien évidement, il n'avait toujours pas recroisé celui qui l'avait fait renaître. En réalité, il s'en moquait bien, il avait fini par se débrouiller seul et faisait à présent ce qui lui plaisait....

Dynastie Ming. 1368 – 1644. Mer de Chine

Dong Ao, ou plus communément nommé Dúyàn, est un Chinois peu fréquentable. Si l'on l'appelle ainsi, c'est parce qu'il porte constamment un cache-œil sur la partie gauche de son visage. Selon lui, il l'aurait perdu au cours d'un accrochage avec un marchand retors. Il est toujours richement habillé et chante à qui le veut bien au détour d'un verre pris dans un gargote malfamée les louanges de son capitaine.

De l'eau avait coulé sous les ponts et le Japonais avait pris la mer. C'est un peu le hasard qui l'avait mené à cette vie faite d'aventures et de méfaits. Un soir, alors qu'il se trouvait dans un port Cantonais, il s'était aventuré près des docks et le sang d'une des âmes s'y trouvant lui avait parut délicieux. S"approchant à pas de loup, il s'était glissé auprès de l'imprudent richement vêtu. Encore de la viande saoule.... Il parlait seul et s'était retourné assez brusquement pour surprendre le vampire qui était déjà tout crocs dehors, erreur de débutant.

Bien trop enivré pour prendre peur, la proie avait bafouillé qu'il pouvait offrir tout l'or et les richesses que désirait l'étrange créature si elle la laissait survivre. Étrange homme, mais étant pirate, sans doute avait-il déjà dansé avec le diable à de nombreuses reprises et que ce n'était pas un simple hurluberlu avec des dents trop longues qui allait l’impressionner. Le Japonais renommé Ao, avait apprécié le cran et le panache de cet homme et avait préféré lui demander asile et aventure dans les cales de son embarcation le jour, et sur le pont la nuit. Le pacte fut scellé de nombreux autres verres, et c'est ainsi que débuta la carrière dans la piraterie de celui qui était alors âgé de presque 150 années.

Bien que son mode de vie était rythmé par des mœurs douteuses, il garde encore aujourd'hui des souvenirs impérissables de cette période. Bien évidement, traversant les années contrairement à ses capitaines, il en avait connu plusieurs. À chaque changement de main, l'on faisait une offre groupée du bateau, de l'équipage et de ce bon vieux Dúyàn qui était une arme de choix lors des abordages. Il laissait l'équipage tranquille et décimait les rangs adverses qui se changeaient en source de nourriture foisonnante.

Pour un fils d'un paysan devenu esclave, jamais il n'aurait pu songer à pareilles ambitions ou vie aussi fastueuse. Et puis, quelle vie palpitante aussi ! Chaque jour ne ressemblait à aucun autre et les soirées de fêtes étaient toujours des événements ! Néanmoins, à tenter encore et toujours la chance, elle finit par tourner....... Et c'est par une soirée de mer démontée que l'équipage fit naufrage...

Règne de Louis XIV. 14 mai 1643 – 1er septembre 1715. France .

Camille de LaTour était un noble Duc loué pour son goût, ses exploits  de chasse et sa beauté que les femmes s'arrachaient. Grand blond à la peau pâle et aux yeux océans, sa perfection semblait sculptée dans l'albâtre. De nombreux bruits courraient à son sujet, l'un d'eux étant que cette belle apparence à la tête bien remplie était un des espions de monsieur le Roy.

Après que la coque du navire où il voguait avec ses compagnons d'infortune se vit fracassé par Deux Sœurs redoutables, le vampire s'était retrouvé ballotté par la mer un long moment et avait souffert de la faim de longs mois. Pour subsister, il avait dû ruser et se nourrir de tout ce qui lui tombait sous la main. Les combats contre les requins étaient éprouvants, par chance, il n'en n'a pas croisé tant que cela dans son infortune et ces derniers lui offraient une bonne source de nourriture.Quant au soleil... Il était tant bien que mal parvenu à s'en protéger en restant abrité par des planches de bois qui pourrissaient de jour en jour.

C'est ainsi qu'il se retrouva un jour à s'échouer sur les plages françaises. Plus précisément sur les étendues sableuses de la Normandie. Une nouvelle fois, le dialecte dans lequel conversait ces personnes à l'étrange couleur de peau mais aussi de cheveux fut à apprendre pour la créature de la nuit qui le trouvait fort mélodieux. Et c'est là que la chance allait sourire à nouveau au vampire en croisant, enfin, l'un de ses semblables....

Jehan De LaTour était un noble qui avait obtenu par ses exploits militaires un anoblissement et des terres du temps de feu Louis XIII dit « Le Juste ». Mais il était loin du simple gentilhomme..... En effet, ce dernier s'était vu lui aussi offrir une autre vie sur les champs de bataille. Sur les récits de ses exploits, il s'en était toujours sorti vainqueur, la vérité étant en réalité tout autre. Mourant, une bonne âme l'avait sorti des bras de la mort en lui offrant la vie éternelle. Après quelques années d'apprentissage, le créateur était reparti sur les routes de France et avait laissé Jehan à nouveau seul. Aujourd'hui, ce dernier estimait qu'il était normal d'à son tour tendre la main à un des ses pairs bien qu'il ne l'ai pas infanté.

Grâce à lui, Ninomae Masahiko devint Camille de LaTour, cousin de monsieur Jehan. Le nouveau nommé découvrit  alors les prouesses prodiguées par les glamours pouvant le changer en une toute autre personne. Bien évidement, on lui avait choisit une apparence plus en adéquation avec le pays où il allait évoluer et parfaire la supercherie. Bien évidemment, il dut étudier d'arrache pieds afin de dépasser les murs imposants de l'ignorance, mais sa soif sans fin de savoir s'était éveillée face à tant d'ouvrages à sa plus grande chance et étonnement. Lettres, escrime, musique, sciences, manières, protocole et même... séduction, rien n'avait été laissé au hasard.

En parlant de séduction... Jehan apprit également une autre leçon à son aîné... Celle des échanges passionnés conjugués au masculin. Si dans les mondanités les deux hommes étaient de la même famille, il en était tout autrement dans l'intimité d'une chambre ou d'une alcôve sombre...C'est d'ailleurs depuis cette époque que la préférence du vampire va aux courbes viriles. Toutefois, bien qu'amants, c'était avant tout une profonde amitié qui liait les deux créatures de la nuit qui faisait fureur dans les salons.

Toutefois, le duo de choc ne pouvait bien évidement que jouir des plaisirs nocturnes. Et c'est là que tout le génie vampirique prend son sens lorsque l'on sait que Jehan était celui qui avait appris à son ami à se servir d'humain sous contrainte. Ces derniers étaient ensuite glamourisé pour les envoyer faire les beaux de jour à la place de ceux qui étaient cloués au lit à cause de la léthargie diurne caractéristique aux vampires. Il n'y a pas à  dire, avec Jehan, monsieur Camille de LaTour a vraiment vécues de belles heures...

Règne de Louis XV dit « Le Bien Aimé ». 14 mai 1643 – 1er septembre 1715 – 10 mai 1774 . Normandie

Le règne de Louis XV laisse de marbre la créature de la nuit qui a maintenant disparu aux yeux de tous à l'âge de 63 ans, du moins Camille de LaTour. Quant à Jehan, il a laissé le château à ses enfants et est parti faire le tour du monde. Hélas, Roscelin n'aura jamais plus de ses nouvelles. Il a à nouveau revêtit sa véritable apparence, restant loin du monde un certain temps avant de découvrir l'amour...

Le Japonais aurait aimé accompagner son amant et surtout ami au quatre coins du monde. Mais, étonnamment, ce dernier avait manifester son envie de faire cavalier seul. Bien que blessé, Masahiko l'avait laissé partir et s'était terré dans un château abandonné, peu emballé par le dirigeant actuel qu'il trouvait d'un inintérêt sans nom. Sans son acolyte, il n'avait plus goût aux sorties mondaines, et il n'avait pas non plus envie de jouer les espions pour le flan au pouvoir.

Reculé de tout, c'est là que la créature s'était intéressée au monde botanique après avoir retrouvé un rosier sauvage. Découverte, il s'avérait qu'il était doué avec les plantes et que ces dernières semblaient l'apprécier..... Une dizaine d'année plus tard, le château s'était transformé en une splendide roseraie à ciel ouvert une grande fierté pour le vampire, une source de convoitise pour d'autres....

Alors qu'il s'occupait de ses belles Masahiko fut transpercé à l'épaule par une lame en argent. L'instant d'après, sa vue s'était vue brouillée par un jet d'eau bénite. Ensuite... Il ne s'en souvient plus, ayant perdu connaissance. Il s'éveilla ensuite attaché à une croix dont il faisait semblant d’apprécier le Christ dans sa vie précédente. Ses liens étant d'argents et la pièce remplies d'objets consacrés, la créature damnées assistait impuissante à sa déchéance qui avait déjà commencée. Il ne pouvait à peine gémir, sa langue gisant non loin sur le sol. Horrifié, son regard s'était alors posé sur son torse avec lequel avait fusionné un chapelet baigné dans de l'eau bénite. Même chose pour les ronciers enroulés autour de ses chevilles et ses poignets. Ironique lorsque l'on sait qu'il s'agissait de ceux de ses rosiers qu'il chérissait tant. Il avait bien vécu, à quoi bon lutter .....

Lorsqu'il reprit connaissance, le Japonais était confortablement alité et un homme à la belle apparence lisait non loin de lui. Il se présenta comme le Duc Enguerrand de Bellefonds et qu'il était ici un invité. Il lui apprit également qu'il était celui qui l'avait secouru et ramené ici, ne supportant pas que l'on puisse faire du mal à autrui. Bien évidemment, il savait ce qu'il était, mais ne semblait pas effrayé. Un fait étrange qui avait interloqué le vampire à l'époque, mais l'arrangeait bien dans le fond. Bien qu'il eu la surprise de voir un verre de sang provenant de son bienfaiteur non loin de lui, et ceci deviendra la norme de chaque jour à chaque fois qu'il s'éveillait.

Enguerrand était un gentilhomme comme on en faisait peu. Héros de guerre, les femelles s'étaient mise à l'éviter à cause de sa jambe folle. Des considérations ridicules qui avaient arrangé les affaires de celui qui s’appelait maintenant Roscelin qui s'était alors engagé dans un jeu de séduction de longue haleine. Enguerrand était devenu tout pour le vampire qui tombait un peu plus amoureux chaque jour de celui qui était devenu son amant à force de patience. Ces folles années de  bonheur virent se succéder l'intronisation d'Enguerrand au monde de la nuit par le baiser de Roscelin et leur mariage vampirique. Toutefois, la météo politique commençant à se gâter en France, les deux créatures avaient entrepris un voyage en Europe afin de découvrir ses merveilles....  

Années 1900. France.

Retour du glamour et  d'une nouvelle identité. Monsieur Albert Fournier et son jeune frère  Jean étaient tout deux des médecins estimés dans la profession. Ils parcouraient l'Europe pour soigner toutes sortes de maladies que l'on disaient incurables. Il s'agissaient de jeunes hommes bruns fort bien bâtis et aux prunelles claires qui plaisaient beaucoup à la gente féminine.

Bien évidemment, les frères Fournier n'étaient qu'une autre des identités d'emprunt aux deux tourtereaux qui continuaient leur belle idylle. Ils avaient mis un certain temps avant de revenir à la France qui avait connu en effet quelques remous après leur départ. Mais, les années 1900 avaient ramené avec elles un nouveau souffle au pays qu'ils aimaient tant, la « Belle  Époque» .

Roscelin se souvient comme si c'était hier de sa visite avec son aimé à l'exposition universelle de Paris qui avait recouvré ses lettres de noblesse, devenant la belle ville lumière. Si certains vieux vampires ont aujourd'hui encore du mal avec le progrès, le Français de cœur a de tout temps, preuve en est, apprécié le progrès et les nouvelles technologies. Il n'était pas peu fière d'ailleurs de posséder un des tous premiers modèles de Peugeot type 37 qui leur permettaient à lui et à son mari de partir sur les routes qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige. Ah ça aussi c'était une belle époque ....

Toutefois, cette époque heureuse n'allait pas perdurer, la levée du régime Nazie entraînant dans son sillage l'avènement de la Seconde Guerre Mondiale en 1939 .... Désirant soutenir l'effort de guerre, les deux médecins avaient été réquisitionnés pour soigner les soldats à l'arrière du front. Que de misère humaine, que de souffrance, mais d'héroïsme aussi. L'on avait là les héros d'aujourd'hui, et pour les plus... « chanceux » les gueules cassées de demain.

Ce fut une dure période pour les deux hommes qui avaient vu leur intimité presque réduite à néant. Mais quelle fierté de porter l'effort de guerre d'un pays qui était le leur. Une chance insolente leur souriait même, leur tente échappant toujours mystérieusement aux bombardements ou aux balles. Mais comme à chaque fois dans la vie, la roue finissait par tourner....

Ce soir là, après avoir pansé les plaies de leurs patients, Roscelin et Enguerrand s'étaient retirés dans leurs appartements. Enfin si tenté est que quatre toiles tendues et un toit dans la même matière soient considérés comme tels. Enfin, ceci suffisait aux deux amants et époux pour se retrouver de brefs instants et se montrer leur amour, après tout, n'était-ce pas qu'un mauvais moment à passé bon à raconter au coin du feu des années plus tard ? Pas sûr que cette nuit ne fasse partie de celles que Roscelin aime narrer toutefois...

Tendrement enlacés, un bruit d'origine suspecte les avaient fait ses séparer et rester à l’affût. Toutefois, l'ennemi fut plus rapide et une balle s'était logée dans la poitrine d'Enguerrand qui s'était interposé entre le projectile et son mari. Hélas, la balle était d'argent et la vie de l'être aimé filait entre les doigts impuissants du Japonais qui se trouvait bien démuni. Son amour lui intima alors de fuir, loin,  pour sa survie, pour que son sacrifice ne soit pas vain et lui fit promettre... de ne jamais renoncer à la vie.

Roscelin se rappelle encore avec effroi aujourd’hui les cris de son mari qui le suppliait de fuir. Il avait même trouvé la force de le pousser vers l'autre sortie de la tente. Cette nuit couleur cauchemar, c'est plus que la moitié de Roscelin qui s'est éteinte. Cette nuit là, son cœur s'était brisé et son âme éparpillée dans les abysses de la folie.

1940-2000. Japon. Tokyo

Roscelin n'est plus que l'ombre de lui-même. Il est habillé de guenilles et sa chevelure hirsute n'a que trop bien poussé. Sa peau est recouverte de griffures, encore ouvertes pour certaines. Le regard perdu dans le vague, on ne pouvait y voir que se refléter toute l'étendue de sa détresse.

Le mariage vampirique, aussi beau soit-il se voit fêté que très peu de fois, les couples de la nuit préférant les unions libres. Non pas qu'ils ne connaissent pas la fidélité, loin de là.... Mais pareille union des âmes, des cœurs, des sangs, des pouvoirs... à la fois physique et psychique.... ressemblant alors bien plus à une fusion des êtres... Tout ceci est aussi ô combien dangereux. La perte de l'autre devenant une réelle perte d'une partie de soi, et bon nombre de vampires ont péri en perdant l'être chéri....

Roscelin, lui aussi a souffert le martyre et a flirté de nombreuses fois avec les rivages funestes des Enfers en proie à des crises de folie sans pareil... Larmes torrentielles, rires agonisants, sanglots fêlés, sourires faussés, telles étaient les journées tristement similaires de celui qui avait perdu la raison.  De nombreuses fois, le clan a pensé à en finir avec lui et le libérer, mais pourtant, on le laissait perdurer, espérant qu'un jour il finisse par revenir à lui-même.

Mais,  ce jour ne vint pas et une vingtaine d'années plus tard le vampire n'ouvrit pas les yeux à la nuit tombée. Un jour passa, puis deux, puis trois... Jusqu'à ce que le compte ne se change en années. Tous ignoraient si un jour l'un des plus vieux du clan s'éveillerait un jour à nouveau. Toutefois, l'on plaça Roscelin au calme dans une chambre scellée pour un repos bien mérité....

2019 . Japon . Tokyo

Des années encore sont passées et le réveil hypothétique de la créature brisée avait fini par arriver. C'est en 2001 que Roscelin avait fini par revenir à lui, ne sachant guère où il pouvait bien se trouver.  On l'avait alors inondé de trop d'informations, mais il s'était abstenu de tout commentaire, bien trop sonné pour le faire. Ainsi il avait perdu 60 années de sa vie, mais pourquoi ne l'avait-il pas perdu tout court ? Pourquoi continuait-il à vivre ? Et pourquoi cette satanée promesse l'empêchait de se plonger un pieu salvateur dans le cœur ?

Âme morte bloquée dans le monde des vivants, il avait alors du se résoudre à survivre. Voilà comment le vampire s'est construit une nouvelle existence dans un pays dont il ne connaissait au final que très peu de choses. Il lui fallut aussi apprendre à coexister avec ce monde qui avait changé à une vitesse vertigineuse pendant son long sommeil.

Puis, un nouvel éveil avait eu lieu, Roscelin claquant la porte du baiser, bien que faisant toujours partie du clan, pour partir vivre seul dans un manoir en périphérie de la ville. Dealer de paradis artificiels et de mort langoureuse, il trompe le temps entre deux crises de folie. Vivre pour honorer sa promesse, ô que oui qu'il le fait et le subit, mais l'éternité  c'est très long.....