Kurosawa Izumi - Uso wo tsuki~

Alors que la période Edo prends fin il y a quelques années, mettant fin à la légende des ninjas et des samouraïs, c’est l’ère Meiji qui prend sa place. Époque contemporaine, c’est là que naissent les premiers signes de la modernité dans le monde. Le Japon n’y fait pas exception, c’est dans les années 1880 que le pays change de forme pour remplacer ses barques et autres palanquins en moyen de locomotion à vapeur. Le Japon aussi commence à connaître les progrès ferroviaires et la nation est en apogée dans l’avancement technologique depuis ce temps. C’est durant cet âge d’or de progression, le 10 février 1886, que Yamashita Naoki voit le jour. Plus connu sous le nom de Kurosawa Izumi aujourd’hui, ce n’est pas un nom qu’il a toujours porté depuis sa naissance. Né dans une famille modeste de Osaka, Naoki découvre en grandissant les nouvelles découvertes et l’avancée du pays. Une vie sans doute tranquille qui prendrait fin avant le massacre des guerres mondiales avenir, et lui épargnera la vision de l’horreur et la destruction de l’humanité. Comme tout être humain, c’est ce qu’il croyait…

Avec un père travaillant dans la toute nouvelle armée du Japon qui a balayé les privilèges des samouraïs et une mère sans emploi, il a pu connaître les joies et les peines des moments passés en famille. Bien que son père soit beaucoup moins présent que sa mère, il a eu le temps de les connaître et de grandir avec la culture Nippone avant que le drame qui changera sa vie ne survienne. L’année de ses huit ans marque la fin d’une existence pour Naoki. En 1894 c’est la première guerre Sino-Japonaise qui éclate, mettant le pays en danger à cause des conquêtes démesurées sur l’Asie engager par l’empereur Meiji. C’est la dernière fois qu’il vit son père également, partie pour défendre les terres Coréennes que la nation avait conquise récemment. La Chine, supérieure en technicité et en avancement martial terrasse le Japon et gagne peu à peu du terrain. Voyant s’afficher la victoire de l’ennemi, le Japon s’attend à un retour de flamme mortel qui détruira sans doute à jamais le pays. Et il était hors de question pour cette mère de laisser son enfant se faire massacrer par les armées Chinoise lorsque celle-ci mettront le pied sur l’île Japonaise. C’est en 1895, alors que la Chine récupère la Corée peu à peu et écrase les armées Japonaises que sa mère se résigne à garder son enfant auprès d’elle pour sa survie. Naoki est envoyé en France dans une famille d’accueil qui sera son refuge et démarrera sa nouvelle existence.


C’est avec les yeux d’un enfant de neuf ans que Naoki s’émerveille d’un pays dont il ne connaît rien et tout à fait différent de ce qu’il a connu depuis sa naissance. Mais la crainte et le chagrin liés à la séparation de sa famille le ronge, bien qu’il ne soit encore qu’un enfant, le jeune garçon sait qu’il ne reverra plus jamais ses géniteurs. Ce furent des adieux déchirants, parqué à bord du navire qui allait le séparer de sa terre natale, le jeune garçon se rappelle encore des yeux larmoyant de sa mère et son sourire éternel, dernière image qu’il conservera d’elle toute son existence. C’est aussi les dernières frasques de bonheur qu’il abandonne, se séparant de l’amour de sa famille pour maintenant faire face à une famille aisée Française pour qui à cette époque les enfants étrangers n’étaient rien d’autre que des serviteurs et majordomes pour contenter leur moindre désir. Naoki n’a jamais été traité comme un fils par ses parents adoptifs, ni même aimé le moins du monde. Il n’allait même pas à l’école pour s’instruire de la culture française et n’apprenait que quelque mot de cette langue dont il ignorait tout. Ce n’est que seul au fil des années qu’il a appris à parler cette langue difficile.

Yamashita Naoki était devenu Neo Theillier. Une vie monotone loin de l’amour parentale et avec pour seul souvenir des images déchirantes, le jeune garçon était à l’origine de plusieurs moqueries pour ses origines asiatique de la part des autres enfants du quartier. Il était aussi au centre de pas mal de bagarre et l’humiliation était son quotidien. Grandissant dans cet air de modernité française, il a connu l’effervescence des théâtres de Paris mais surtout de ses cabarets. C’est vers ses quinze ans qu’il a commencé à se séparer peu à peu de sa famille d’accueil, traînant plus dans les rues tard le soir à la recherche d’un bar ou un endroit où se réchauffer. C’est alors qu’il tomba en admiration face aux devantures du plus grand cabaret du monde, à savoir le moulin Rouge. Un lieu magnifique sans doute de l’intérieur mais interdit pour un adolescent de son âge. Le personnel de sécurité de l’établissement commençait à bien le connaître à force de lui refusé l’accès tous les jours. Neo continua ce petit manège durant un an jusqu’à ses seize ans où la chance lui sourit enfin.


Sa rencontre avec une des pionnières des femmes de joies au cabaret changea sa vie. Elle le prit sous son aile en entendant son histoire et lui proposa de rejoindre cette grande famille où la fête et les rires étaient au rendez-vous. Cependant, un homme ne pouvait rejoindre la troupe, il lui fallait changer son apparence pour devenir Nea, une jeune fille en apprentissage dans le monde de la débauche. Ses traits asiatique et androgyne l’aidèrent énormément pour passer pour une femme sans le moindre problème et c’est ainsi qu’il commença à se travestir et à apprécier cela. Le monde impitoyable de la riche classe mondaine lui a appris à se méfier de tout, considérer les autres avant tout comme des ennemis que comme des alliés. On ne se lie pas d’amitié avec les autres, on fait affaire. C’est ainsi que le jeune garçon a vite appris à se débrouiller en société grâce aux enseignements de la lady qui l’avait à sa charge. Le petit Naoki avait bien changer, balayant l’éducation que sa mère lui avait donné pour troquer la sagesse et le respect par la fourberie et la manipulation. Enrôlé par les autres, il finit même par trahir sa propre éducatrice et peu à peu se faire une place de premier ordre au sein du cabaret.

Il y a appris la danse, le mensonge et par-dessus tout la débauche. C’est vers ses dix-sept ans que le jeune garçon a eus sa première relation sexuel. Si un an avant il n’avait fait que jouer avec certains hommes, il a décidé de franchir le pas et montrer que sous ces vêtements féminins se cachait le corps d’un jeune homme qui découvrait les joies de la luxure. Sa première fois a été un tel succès qu’il a recommencé encore et toujours, ne refusant aucune proposition des hommes les plus riches et les plus séduisant de Paris. Il est tombé dans cette spirale infernale de la débauche, développant une hyper-sexualité qui le suivra tout au long de sa vie et même après son trépas dans le monde des vampires… Il ne pouvait plus s’en passer, à tel point qu’à ses vingt-deux ans il commença à travailler pour une maison close du quartier, partageant son lit avec des dizaines d’hommes et de femmes différent en une nuit. Sa vie ne tournait qu’autour de ça, décidant de profiter de sa jeunesse et de ce que la vie lui offrait. Le petit garçon avait changé et était devenu ce jeune homme volage en qui on ne peut avoir confiance.

Le cabaret était sa maison, celle qui l’avait vu grandir et évolué, à telle point qu’il ne voulait y renoncer pour rien au monde. Mais sa vie ne tarda pas à prendre un tout autre tournant lorsqu’arriva ses vingt-six ans, dernière bougie qui marquera l’arrêt du temps pour marquer au sang sa jeunesse éternelle.


C’était un soir comme les autres, un show de prévus au cabaret et lui dans le numéro principal de la représentation. Il s’était maquillé comme à son habitude et avait vêtu son plus beau costume dénudé, se travestissant pour avoir tous les traits ensorcelant d’une femme. Une soirée qui finirait dans l’obscénité comme à chaque fois, une soirée où il allait briller sur les planches de la scène et attirer le regard de plusieurs milliardaires afin de rassembler cadeaux et autres joyaux dont il était si  amoureux. Mais cette nuit, son regard croisa le sien… Celui d’un homme majestueux qui se détachait de la foule bien qu’il n’en fasse partie. Un homme pas comme les autres avec un regard brûlant de désir et un charme à faire succomber la plus sage de toutes les filles de bonne famille. Neo ne faisait pas exception à la règle. Il chercha à attirer son attention et son amour, tout le long de la soirée il chercha à entrer en contact avec lui et c’est lorsqu’il y parvint que le piège se referma. Une attirance démesurée et indescriptible envers cet homme qu’il n’avait jamais vu auparavant, mais qui pourtant semblait connaître depuis des années.

Le courant passa parfaitement entre eux et après cette soirée, ils se revirent tous les soirs, flirtant l’un avec l’autre mais sans jamais se toucher jusqu’à cette nuit où tout a basculé. Le premier baiser fut échangé, les premières caresses et effleurements électrisèrent son corps entier et l’acte sexuel inévitable fut sans doute le meilleur de son existence. Il se souvient du plaisir infini qu’il a ressenti, de cette aura sombre mais attirante que l’homme dégageait, de son état d’euphorie, cette douleur enivrante au creux de son cou, mais après, plus rien… Impossible de se rappeler de son visage, ni même de comment il en est venu à faire sa rencontre. Les jours se sont écoulés sans qu’il s’en aperçoive, se réveillant dans cette chambre vermeille bordée de satin et autres richesses sans personne à ses côtés. Il avait passé plus de vingt-quatre heure dans le coma sans savoir ce qui avait pu se passer pendant ce laps de temps ni même qu’était devenu cet homme dont les souvenirs s’effaçaient de sa mémoire.

Suite à cet épisode et un chagrin d’amour qui lui brisa le cœur, il décida qu’aimer ne serait qu’un mensonge désormais et qu’il se servirait de ce sentiment pour éradiquer les autres et leur provoquer souffrance et tourments. Plus jamais il ne se fera avoir, c’est lui qui briserait des cœurs dorénavant. Mais s’il pensait reprendre le cours de son existence comme avant, Neo faisait une grave erreur, car en réalité, tout avait changé… Combien de fois il a glissé ses doigts dans son cou pour sentir sa peau légèrement enflée mais qui ne présentait pourtant aucune marque, combien de fois il s’est demandé pourquoi il avait si froid avant de découvrir avec horreur qu’il ne voyait plus son reflet dans les miroirs… La crainte s’empara de lui, il tenta de sortir à la lumière du jour qui lui brûla la peau au moment même où les rayons de soleil l’effleurèrent, se rendant compte peu à peu de ce qui était en train de se passer. Sa peau était devenue si pâle et presque translucide qu’on aurait dit qu’il était mort, et c’était bel et bien le cas…

Un vampire, voilà ce qu’il était devenu… Une information qui l’effraya au début, maudissant cet homme et l’amour qu’il avait pu éprouver pour lui l’espace d’un instant. Arriva le moment fatidique où la faim le força à se nourrir du sang d’un être vivant. C’est lors d’un de ses ébats avec un homme d’affaires aisé qu’il commit l’irréparable. Il tua le pauvre homme, serrant ses mains autour de sa gorge durant leur acte intime avant de croquer sa chair et se délecter de son sang, jusqu’à la dernière goutte. Couvert de tâches vermeille, le vampire observa le bain de sang et la véritable scène de crime qui avait lieu dans sa chambre sans oser bouger. Il comprenait peu à peu que cela pouvait devenir une force et qu’il allait se servir de ses pouvoirs et sa nature comme d’un avantage pour arriver à ses fins… C’est ainsi qu’est né un nouveau vampire, un nouvel être qui dominerait bientôt le pays et pourquoi pas le monde, grâce à ce don éternel.


Les années passèrent et sa vie ne fut que plus belle et excitante par la suite, gardant ses traits de jeunesse éternelle ainsi que pouvoir charmer n’importe quel humain et en faire sa proie. Mais au fil du temps le rose finit par se lasser d’une vie si simple. Enfermé à jamais dans cette enveloppe charnelle et condamné à rester sur terre indéfiniment commença à l’oppresser. Sans doute allait-il tirer les ficelles du cabaret éternellement, il n’y avait pas d’autre endroit où il voulait aller. Puis, éclata la seconde guerre mondiale. Les forces allemandes s’emparèrent de la capitale faisant régner un climat de terreur sur la ville. Neo n’était plus en sécurité, les étrangers étaient raflés avec les juifs, il ne pouvait pas se permettre de mourir de manière aussi stupide. L’idée lui a traversé l’esprit avant que des horizons bien plus attrayants ne s’offre à lui. Avant que la catastrophe ne prenne le pas sur l’avenir du pays, le jeune homme fit ses valises et quitta à regret ce cabaret qui représentait une grande partie de sa vie.

Il s’envola pour le Japon, terre natale où ses racines y étaient toujours ancrées. Ainsi il ne craindrait pas la moindre attaque de la part de son propre pays, ainsi, il entra dans cette nouvelle famille de vampire qui était ses pairs désormais. Tout comme au cabaret à Paris, ils seraient sa couverture et une famille de substitution avant de leur mettre un coup de poignard dans le dos et dominer le clan. Tel était son nouvel objectif qu’il s’était fixé, car une vie éternelle sans but ne vaut pas la peine d’être vécus. Comment le jeune Neo est devenu, Kurosawa Izumi ? C’est simple, une famille ayant perdu de manière regrettable leur adolescent de dix-huit ans, mortellement assassiné dans des conditions étranges, le rose usa de manipulation pour que ces deux parents le proclame comme leur fils et c’est ainsi qu’il prit l’identité de leur progéniture, gardant le couple comme couverture. Prisonniers de son emprise et avec la mort certaine au bout de ce tunnel, le couple n’eut d’autre choix que de faire ce que demande le vampire, se rabaissant à une servitude sans fin.

Il prit le temps de s’installer au Japon à Tokyo une fois la guerre finie et c’est un 1998 qui fonda son cabaret dans le quartier de Kabukicho avec la fortune qu’il avait amassé en France. L’établissement connaît un succès fulgurent qui ne fit que grimper dans les années 2000. Aux yeux de la population il était un jeune homme de vingt-six ans et dont la réussite et les richesses en faisait jalouser plus d’un. Il avait autant d’admirateur que d’ennemis jaloux qu’il se chargea d’évincer à sa façon. Si ce lieu était connu pour sa luxure et les nuits de débauches interminables, il devint rapidement un point culminant de trafic humain caché aux yeux de la société. Un endroit parfait pour y exposer ses calices et s’en servir comme personnel de ses spectacles appréciés par la population Tokyoïte. En réalité il servait de base pour le clan des vampires et servait également de garde-mangé pour la plupart des clients qui disparurent dans des circonstances étranges. Grâce à son charme et son éloquence, Izumi parvint à éviter plus d’une fois des poursuites judiciaires et se mettre même la police dans sa poche pour ne plus jamais être soupçonnée de quoi que ce soit en rapport avec ces disparitions mystérieuses.


Ainsi le Japonais vit aujourd’hui une vie de luxe, remplie de trésors et de richesse et au sommet de la gloire. Il foule encore lui-même les planches de la scène et est devenu une vedette, autant en homme qu’en femme. Les clients se plaisent à passer du temps avec le patron du « Red Castle », nom qu’il a donné à son établissement. Il s’est fait des relations dans le milieu mondain ainsi que juridique pour s’assurer une sécurité et il n’a pas fini de gravir les échelons. S’il considère son clan comme une famille, ou du moins c’est ce qu’il fait miroiter aux yeux de ses congénères, il suffira d’un rien et du moment opportun pour faire basculer l’échiquier et prendre la place du chef actuel du clan. Mais pour l’instant, il reste prudent, fait en sorte de ne pas griller sa couverture et de passer pour l’allié indispensable qui aide le clan à s’accroître, clan qu’il compte bien faire sien un jour…