Hayashi Kazuo - Leader du FK.S

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Les premières années de ma vie n'ont pas été très trépidantes en soi. Cadet d'une famille nombreuse, mon père cumulait deux boulots afin de permettre à ses enfants de ne manquer de rien. Ma mère veillait sur nous et nous gâtait de cet amour maternel un peu trop surprotecteur.  Avec autant de monde dans une même pièce, il était assez compliqué de se faire entendre. Il est vrai que je n'étais déjà à la base pas très expressif, mais j'ai vite sombré dans l'effacement constant. Après tout, à quoi bon s’époumoner si personne ne se soucie de vous ou de votre avis ? De toute manière, c'était toujours les autres qui avaient gain de cause, je préférais nettement ne pas m'échiner pour rien du tout. Il ne m'était permis que de suivre le mouvement, il fallait donc m'en contenter.

Après, je ne vais pas dire que ma famille était horrible non plus, juste qu'elle était trop vivante,  bruyante et éblouissante. Même à l'école, leurs camarades de classes les adoraient. Je ne sais pas trop à quoi pouvaient bien s'attendre les miens, mais ma personnalité n'avait clairement rien à voir avec la leur. Était-ce aussi honteux et impardonnable ? Il fallait croire que oui du point de vue de leurs yeux d'enfants. J'aurais bien voulu les voir s'ils avaient été à ma place. Quoi qu'il en soit, les enfants qui m'approchaient ce n'était que dans le but de me demander de faire quelque chose, de me prendre mon déjeuner et j'en passe. C'était très certainement ma faute à toujours vouloir éviter les confits, qu'on me remarque, j'en étais venu à dire oui à tout. Ridicule, n'est-ce pas ?

Souvent traité de fils à Maman, même par mes frères et sœurs, ma mère était bien la seule à me donner de l'attention. Quelle femme merveilleuse.  Elle au moins essayait de me comprendre, bien que dans le fond, encore plus me couver que les autres n'a sûrement pas aidé à ce que je devienne incapable d'exprimer ni avis ni refus. Mon amour à son égard avait toutefois une limite, le jour par exemple où elle m'a obligé à intégrer un club d'arts martiaux. Pourquoi voudrais-je bien aller dans un endroit qui pue la sueur plutôt que de continuer à côtoyer mes amis en 2D ? C'était de la folie. Néanmoins, les deux raisons énumérées ne m'avait pas laissé le choix : d'abord son chantage affectif car elle se sentirait plus sereine de savoir que j'étais capable de me défendre lorsque je me rendais dehors. La seconde, mes jeux risquaient de se faire confisquer et qu'elle ne serait plus d'accord d'en acheter d'autres. Une femme merveilleuse et aussi maligne vous dis-je.

Ainsi me suis-je retrouvé à changer de club chaque année. Ce n'était pas qu'un certain amusement n'était pas présent, enfin surtout les moments seuls à répéter les mouvements encore et encore. Ça avait au moins le mérite de me changer les idées et de m'empêcher de partir un peu trop en introspection sur ma personne et ses gros défauts. Puis je n'avais plus les autres à supporter non plus. Quelle horreur par contre que de devoir affronter un camarade du cours. L'entraîneur était confiant, il disait même que j'avais du talent, qu'il fallait que je tente des compétitions, que ça pourrait m'endurcir et m'aider à m'affirmer. Le fou. J'en avais limite le vomi au bord des lèvres à chaque fois et rentrais à la maison complètement abattu et lessivé. Mais avec ma sale manie, je m'étais quand-même retrouvé dans une compétition. L'enfant d'en face avait dû être nourri au géant vert, ce n'était pas possible autrement tellement il était si grand. J'ai tenté de rester, de faire bonne figure afin de ne décevoir personne. Cependant… J'avais fini par partir en courant et en pleurant. Ce jour-là, mes frères et sœurs ont rajouté le surnom de mauviette. Quel monde cruel et injuste.

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C'est dans ce climat que j'ai continué de grandir. Ma famille avait beau m'entourer, mon existence ne me paraissait pas heureuse. Aux cours des années qui ont suivi, ce sentiment grandissait en même temps que mes insécurités, mes doutes. Impossible de me confier, je savais que l'on ne me comprendrait pas pour avoir déjà essayé. Leur rejet, cela aurait été trop dur à encaisser. À présent, j'avais l'impression d'exister dans un monde en tant qu'ombre perdue parmi les millions d'habitants de cette ville. Un être dont on n'attendait rien, spectateur de mon propre quotidien. Les larmes coulaient toutes les nuits sur mes joues d'enfant. Qu'est-ce que j'avais bien pu faire pour recevoir pareil traitement ? Qu'est-ce que je pouvais bien faire du haut de mes dix ans ? Techniquement, pas grand-chose à cette époque.  Pourtant, n'importe quoi, je l'aurais volontiers offert afin d'obtenir du changement, de la force, du courage, tout ce qui me faisait défaut. Mon seul réconfort à cette époque se trouvait de plus en plus dans la virtualité.

Un soir, alors que je revenais de l'école, il n'y avait personne à la maison, tout le monde était dehors à vaquer à ses occupations. Las de m'être encore fait rabaisser par un de mes camarades de classe, je fonçais dans ma chambre, bien décidé à me changer, me cacher sous ma couette et pleurer. Étrangement, il y avait une boite posée sur mon lit, non loin de la tête d'oreiller. Sur le dessus, mon prénom était écrit. Ce n'était pourtant pas mon anniversaire. Puis cette écriture m'était inconnue. En vérifiant autour, la fenêtre était bien close et ma clé avait été nécessaire à l'ouverture de la porte de la maison. Alors comment elle était arrivée ici ? Peut-être que ma mère saurait. Enfin avant qu'elle ne rentre, je ne risquais rien à jeter un coup d’œil dedans. Il y avait mon nom dessus après tout, non ? Avec le recul, je dois bien reconnaître que son contenu était autant improbable qu'effrayant. Plein de messages avec mes pensées écrites dessus. Pris d'effroi, je la refermais aussi sec et la poussais loin dessous mon lit, en oubliant de la mentionner à mes parents. S'ils tombaient là-dessus, ils seraient tellement déçus. Ne parlons pas non plus de la réaction de mes frères et sœurs.

Une semaine s''était écoulée ensuite. Mon second prénom étant curiosité, j'avais fini par ne plus tenir et l'avait ressorti un jour où personne n'était là. Il fallait que je comprenne ce que ça fichait là et qui avait bien pu envoyer cette boite. Aucune réponse par rapport à l'expéditeur, juste un message tout en dessous avec la promesse de pouvoir chasser les problèmes de ma vie. Était-ce seulement possible ? Il y avait des consignes dessus puis des mots bizarres que je prononçais à voix-haute. Bien entendu, rien ne se produisit. J'étais sûr que c'était n'importe quoi. Mais les semaines qui ont suivi, l'inquiétude me tenait les entrailles, qui pouvait bien connaître autant de choses que j'avais jamais osé dire à qui que ce soit ? Peut-être un androïde venant du futur. Je n'ai jamais fait aussi vite pour renter de l'école avant cette histoire.

Après un bon mois, ce fut le début de ma renaissance. La veille,  j'avais pas mal joué et mon cerveau n'était pas très frais par manque de sommeil le lendemain matin au réveil. Alors que j'entrais dans la salle de bain, quelque chose ne me paraissait pas normal. Mon reflet dans le miroir, ce n'était pas mon visage, mais celui de mon frère aîné… Choqué, un hurlement sortit de ma bouche et ma mère arriva en se demandant ce qui pouvait bien se passer. Après lui avoir raconté, elle resta dubitative puisque c'était mon reflet dans le miroir. C'était à ne rien comprendre. Cela m'est arrivé d'autres fois et j'ai quelques temps cru être fou.  Une autre fois, c'était en tentant d'échapper à un des ces types qui m'embêtaient toujours que c'était produit l'impensable. J'étais parvenu à me faire perdre de vue quelques secondes, et ensuite, il s'était stoppé en me demandant si j'avais pas vu le type qu'il poursuivait, à savoir moi. Bien entendu, je l'avais aiguillé dans la mauvaise direction, tout ça pour constater que dans le reflet de la vitre, c'était celui d'un autre élève… Effroyable, certes, mais très grisant aussi, vous ne trouvez pas ?

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Du haut de mes vingt-six ans, j'ignore si j'ai tant changé que cela depuis que mon pouvoir m'a été offert. Une des choses dont je ne doute pas, c'est que ma vie n'est plus la même. Après mon éveil, d'autres sont arrivés et nous avons appris les uns des autres, nous entraidant. Aucun de nous n'a réussi à découvrir le confectionneur de la boite ni son but, juste des points communs comme nos blessures d'enfance et notre jeunesse au moment du don. J'ignore aussi pourquoi je suis le seul à avoir ces visions qui me permettent de trouver sans erreur les nouveaux. Cela n'est pas très logique tout ça, sans doute parce que cela ne l'a jamais été depuis le départ. Dire que mon apprentissage à maîtriser mon don s'est déroulé sans heurt serait un mensonge.  Je me suis retrouvé dans de sales situations qui m'ont plus ou moins coûté cher, heureusement que je n'ai jamais arrêté les arts martiaux ou que je cours vite quand il est question de survie.

Après mon diplôme, j'ai supplié mes parents de me laisser habiter ailleurs le temps de mes trois années d'études, sois disant pour pouvoir me concentrer comme il faut, après tout, des études dans l'informatique ne sont pas forcément faciles. C'était aussi dans le but d'avoir de la liberté, pouvoir gérer le FK.S et mes semblables. Avec les années, mon coté geek s'est affirmé, surtout que je ne suis pas le seul dans notre groupe. C'est la majorité du temps notre terrain de jeu, bien moins risqué à mes yeux. Je sais que certains aimeraient que nous fassions plus, mais cela n'est pas une bonne idée, nous n'avons pas les reins assez solides à l'heure actuelle. Mon choix de carrière en tant que contractuel de la police n'est pas anodin, j'ai ainsi accès à tellement d'informations, il me serait possible d'en profiter, de surveiller. Il m'est déjà arrivé souvent d'espionner un peu partout dans la ville, c'est important de savoir ce qu'il se passe chez les autres.

Avec mon premier travail, j'ai emménagé dans mon propre appartement. Tous les mois j'envoie de l'argent à mes parents, mais ça fait des années que je ne les ai par revus. Il me faut continuer à grandir loin d'eux et de mes frères et sœurs. En plus, sortir tout le temps de chez moi, à part pour travailler ou aller m'occuper d'une affaire du FK,S, ça me déplaît. Puis comment vous voulez que je puisse jouer à tous les jeux que j'ai de retard à cause de mon boulot ? Vie sociale ou gaming, le choix est vite fait. J'ignore de quoi l'avenir sera fait, mais je compte bien continuer à ne pas gâcher cette capacité que l'on m'a donné.