Anecdotes/caractère
⛧ Manipulateur: Il faut croire que c’est un trait de caractère commun chez les sorciers. Yoshirô est prêt à tout pour obtenir ce qu’il veut, étudiant le caractère de ses adversaires comme de ses associés pour toujours les brosser dans le sens du poil. Quand on se rend compte que le vieux sorcier nous a manipulé, il est déjà trop tard; nous ne lui sommes plus utile, et nous ne pouvons réparer ce que nous avons fait.
⛧ Sombre: Le passé de Yoshirô est entaché par plusieurs meurtres, qui pourtant ne lui ont jamais été attribué. Il se débrouille toujours pour cacher ses origines, et apparaît comme une ombre menaçante pour ses adversaires comme pour ses alliés. Des rumeurs en ont fait un Mephicent, cependant il n’a jamais été tenté par le diable en personne; pourtant, il laisse courir ces dires, tant que le conseil n’y croit pas. Au moins, on le laisse tranquille!
⛧ Secret: A chaque nouvelle réincarnation, Yoshirô efface toutes les informations le concernant. Difficile pour un étranger au Matsuren ou même un jeune sorcier de savoir quand il est né, d’où il vient, et ce qu’il fait. Ses activités au sein du groupe ont toujours été tenues plus ou moins secrètes, connues seulement du conseil qui lui donne ainsi du cachet.
⛧ Stratège: Le jeu préféré de Yoshirô est le jeu de go. Il aime se poser et réfléchir à la meilleure stratégie pour écraser son adversaire, pour ensuite lui expliquer comment et pourquoi il a gagné. Dans la vie, c’est pareil: malgré son pouvoir très offensif, il n’est pas du genre à foncer tête baissée. C’est ce qui lui a valu d’être à la tête du Matsuren, après tout. Il met cependant toujours un point d’honneur à éduquer ceux qu’il écrase sans peine. Sympathique, n’est-ce pas?
⛧ Prudent: Yoshirô ne fait pas vraiment confiance aux autres. En tant que chef et manipulateur professionnel, il prend toujours garde à ne pas laisser traîner des informations compromettantes sur lui ou le Matsuren. En particulier si les Mephicents peuvent s’en servir contre les sorciers. Il n’est également pas le genre à sous-estimer ses adversaires: si un enfant de dix ans le menace, il le prendra immédiatement au sérieux.
⛧ Yoshirô peut passer en une seconde du sérieux au blagueur, ce qui en étonne plus d’un. Ce n’est pas parce qu’il est Haut-Sorcier qu’il ne peut pas se détendre de temps en temps!
⛧ Il se maquille régulièrement la bouche et les yeux dans des rituels complexes, ce qui le fait ressembler à un cadavre. La rumeur du Haut-Sorcier devenu un Mephicent n’en est que renforcée.
⛧ Malgré sa volonté, il ne passe pas inaperçu dans la rue de par sa présence. Même les humains se retournent parfois sur son passage.
⛧ Il passe énormément de temps à lire et écrire sur les sorciers afin de percer tous leurs mystères.
Histoire
La vie d’un sorcier est discontinue. Pleine de rebondissements, toujours intense si vous voulez mon avis. Mais pour que vous compreniez bien où je vais...il faut que je vous raconte d’où je viens.
Cette histoire, ce n’est pas uniquement mon histoire, mais celle de toute une famille. Que dis-je! Tout un clan, même! Bien que ma vie a commencé quelque part en 1700, plus exactement au début du siècle, la liaison avec ma famille se doit d’être expliquée. Ce récit remontera donc bien avant ma naissance…
Pour autant que je sache, la lignée des Asuka remonte à l’époque Nara, donc vers les années 700 de notre ère. Il s’agissait déjà de sorciers puissants aux pouvoirs démesurés, qui d’après la légende avaient scellé un pacte avec nul autre que Izanagi, le créateur du monde, et certains autres de ses fils. Vivant au nord de Honshu, loin de la vie politique de l’époque, ils ne se cachaient pas aux yeux des rares populations locales. Mes ancêtres étaient donc craints, vénérés comme des divinités. Ils vivaient dans un fief exclusivement sorcier, en totale autarcie, et ne prenaient pas leurs ordres de la toute nouvelle cour impériale. Déjà à cette époque donc, ma famille était du genre…à diriger sa propre vie. Peut-être est-ce pour ça que pour ma part, j’ai toujours été un leader. Du moins c’est ce que j’aime à croire.
Lorsque la cour s’est intéressée au nord du pays, les Asuka n’ont pas apprécié leur manière de les traiter comme des gueux et des barbares. Mais surtout, les guerriers envoyés pour pacifier le nord vers les années 1180 n’ont pas été vues d’un bon oeil par les sorciers. Malgré leurs pouvoirs prestigieux, mes ancêtres furent incapable de repousser l’ennemi bien plus nombreux; afin de ne pas être exterminés, ils se sont terrés un peu plus au nord, protégés par les aïnous, et se sont contentés de maudire les dirigeants du Japon. Les Fujiwara du Nord, comme on les appelait, une famille de guerrier associée aux réels Fujiwara, étaient ceux qui les aidaient à rester loin de tout ça. Une fois détruits pour avoir protégé la mauvaise personne, plus rien ne faisait tampon avec la cour et les ancêtres Asuka durent cacher leur magie par peur d’être détruits.
Le clan s’est éventuellement associé avec une autre famille de sorciers: les Kurayami, responsables directs de la déchirure du voile entre le monde réel et les enfers. Cette famille s’est tournée vers la mienne pour les aider à contenir les personnes infectées par les démons, ceux qu’on nommera plus tard les Mephicents. En effet, là où certaines formes de magies semblent être aisément corrompues par celle des démons, la magie élémentaires qui se transmet chez les Asuka résiste particulièrement bien à une attaque démoniaque. C’est de là d’où nous vient ce lien particulier avec les corrompus; cette longue époque durant laquelle nous avons dû contrôler ces erreurs de la nature par la force avant de trouver un moyen de brider leurs manifestations démoniaques. Je n’en suis pas sûr, mais il me semble que l’artefact en question a été créé vers les années 1200. Pour plus de précisions, il vaudrait mieux s’en référer aux livres d’histoire rangés dans la grande bibliothèque du quartier général. D’ailleurs, ça me fait penser qu’il faudrait que je les relise un coup...maintenant que je dois diriger cette organisation.
Pour ma part, je suis né au début de la 2e année de l’ère Hoei (1706); difficile de donner un jour exact, il me semble que c’était en plein milieu de l’hiver. Pour plus de facilité, je prends aujourd’hui la date de ma dernière réincarnation: le deux janvier, ce qui comme par hasard correspond également à l’hiver. Ma famille aime à raconter que mon air froid et calculateur vient de là, même si on ne va pas se le cacher, ça n’a strictement rien à voir. Cette famille proche d’ailleurs, parlons-en. Ma mère, membre d’une famille de sorciers aujourd’hui éteinte, était celle qu’on avait placée en tant que responsable diplomate, c’est à dire qu’elle s’occupait des relations entre familles de sorciers et avec d’autres familles humaines pas forcément mises au courant de notre existence. Autant dire qu’elle avait un poste prestigieux. Mon père quant à lui était le cousin du patriarche des Asuka, formant ainsi une branche parallèle à la famille qui était constamment surveillée par la branche principale. Pour le moment cette séparation n’est pas importante pour l’histoire...mais gardez-la bien en tête car elle prouvera son utilité un peu plus tard. J’avais également un grand frère dont je ne garde que très peu de souvenirs de cette époque, étant donné qu’il fuyait constamment la maison familiale.
Un sorcier, lorsqu’il naît, n’est pas encore doué de magie. Ou plutôt son pouvoir ne se révèle que dans de rares cas, car je suis persuadé que nous avons simplement un verrou mental contrôlé par quelque démon. Nous devons passer un rituel, que mon père nommait le “pacte noir” en référence à ce lien avec la première démone du monde. Ce rituel, je l’ai passé très tôt; suivant les traces de mon frère, j’étais en quelque sorte un petit génie de la magie. Je passais déjà des heures à lire les bouquin familiaux, dans le seul but d’être l’un des plus puissants sorcier que la famille ait connu. C’est à la suite de ce pacte que j’ai obtenu mes pouvoirs actuels, qui je dois bien l’avouer ont été très compliqués à maîtriser. L’eau est un élément qui a tendance à suivre les émotions de celui qui l’utilise, aussi la règle numéro une lorsqu’on est le possesseur d’un tel pouvoir est de les supprimer. C’est donc un Yoshirô d’une petite dizaine d’années qui s’entraînait déjà à effacer tout ce qui faisait de lui un humain, tel un futur tueur à gages.
Je ne vais pas raconter mon enfance, ce n’est pas très important au final. Le plus important est arrivé alors que j’avais une petite vingtaine d’années. Vous vous souvenez que la famille Asuka est découpée en deux branches distinctes, n’est-ce pas? C’est là d’où vient le problème qui déchirait notre famille à cette époque: la branche secondaire n’avait pas le droit à une réincarnation. Nous devions supporter cette terrible vie mortelle, limitée, sans tenir compte de nos travaux qui pouvaient pourtant être très importants. Eh bien cette fatalité, c’est mon père qui a décidé de la mettre à l’épreuve. Dans le dos de mon oncle, il s’est arrangé avec une communauté de lieurs d’âme à qui il avait rendu plusieurs services tout au long de sa vie. Lorsque le moment est venu pour lui de passer l’arme à gauche, ses alliés se sont débrouillés pour le garder enfermé dans un objet resté secrètement chez eux. Même si j’étais au courant, le voir marcher dans la peau d’un autre comme si de rien n’était a tout de même été un choc. Mais certainement moins que pour le patriarche de la branche principale! Ainsi commença la guerre entre nos deux familles...et franchement, si je suis encore ici aujourd’hui, c’est grâce à cet homme-là.
Passionné par mon pouvoir qui avait conditionné ma vie depuis ma plus tendre enfance, j’ai fait de nombreuses recherches sur l’élément de l’eau...mais aussi sur la propension des pouvoirs élémentaires à résister aux attaques démoniaques. Pourquoi tant de différences? Cela signifiait que les pouvoirs autres que élémentaires sortaient d’un autre monde. Peut-être n’étaient-ils pas liés à Lilith finalement? L’histoire de toute une vie...j’ai dû longuement négocier à l’époque pour obtenir une seconde vie, afin de rassembler un peu plus d’informations sur nous-mêmes. Centrer le sujet sur les sorciers me permettait de comprendre comment pallier à nos faiblesses, aussi il semblerait que ces travaux soient essentiels à la famille à une époque où même les maladies résistaient à nos guérisseurs. Il nous fallait des spécialistes. De nouvelles connaissances…
J’ai été réincarné au tout début des années 1800, quelques années seulement après ma mort, moi qui ai vécu une longue et honorable vie de chercheur. A mon réveil, j’ai dû rattraper quelques informations importantes: notre famille avait enfin trouvé des alliés plus ou moins fiables, et leur alliance avait donné naissance à un groupe d’une force honorable: le Matsushime-rengô. A ma grande surprise également, la branche principale de la famille n’était pas responsable d’une telle alliance; minoritaire malgré les réincarnations, elle semblait sur le déclin et n’était plus représentée que par quelques membres sans descendance. Même si je conservais éternellement un visage de marbre, cette information m’emplit de joie: enfin, nous étions libres de nos mouvements. Enfin plus personne n'essaierait de placer des menottes à nos chevilles comme de vulgaires démons.
Pourtant, je n’ai pas essayé à cette époque de m’imposer comme indispensable au clan nouvellement formé. La raison pour laquelle j’avais vu le jour était plutôt surprenante: les familles semblaient avoir du mal à contenir les démons de plus en plus nombreux, et souhaitaient rassembler les utilisateurs de magie élémentaire afin de supporter l’artefact des Kurayami. Mon pouvoir étant particulièrement puissant, j’étais un choix évident pour cette deuxième vie. J’aurais préféré être ramené pour mes études, mais on ne peut pas toujours choisir...et l’un n’empêchait pas l’autre de toute façon, j’ai pu à ce moment-là reprendre où je m’étais arrêté.
Déjà à cette époque, les familles se tiraient dans les pattes. Nous nous battions par derrière, hypocrites jusqu’au bout, pour savoir qui devait gouverner ce clan qui ne pouvait certainement pas fonctionner sans quelqu’un à sa tête. Je regardais ça d’un air amusé, riant de loin en voyant ces familles se déchirer tout en faisant bonne figure. A l’intérieur d’un même clan d’ailleurs, les disputes étaient visibles; chez nous, les Asuka, les vestiges de la branche principale restaient hargneux. Chez les Kurayami, ça se crêpait le chignon entre femmes. Chez les Mizushima, des conflits de succession émergeaient. Tant de soucis apportés par un simple rassemblement...le but était-il réellement de se tirer vers le haut?
C’est durant ces années d’observation lointaine que j’ai eu une idée intéressante qui risquait de ne pas plaire à tout le monde: réduire les besoins d’une réincarnation. Une idée vague, j’en conviens, mais qui a réussi à suffisamment séduire une famille pour m’accorder une place parmi les vivants. Tout d’abord, il m’a fallu déterminer le plus important: renforcer le corps afin de nous donner l’immortalité que nous méritons? Doter chaque sorcier d’un pouvoir de réincarnation? Muer, comme les serpents, d’un corps à l’autre? Tant de pistes intéressantes et difficiles à exploiter. Pire encore: à cette époque, la technologie me manquait cruellement. J’avais beau disséquer mes semblables, tester tout ce qui me passait par la tête, rien ne semblait être concluant. En parallèle, je devais également continuer mes recherches sur l’élémentaire, qui faisaient office de façade pour les autres familles et m’assurait une bonne place dans ce nouveau clan sans trop d’efforts. Ma deuxième vie s’est ainsi terminée au sommet, et c’est au printemps 1843 que je m’éteins paisiblement dans mon sommeil. Mon âme est détachée de mon corps pour la deuxième fois, mais cette fois-là l’attente sera très longue.
Mon troisième réveil se fera en 1906, suivant ma propre volonté d’être réveillé uniquement après avoir vu l’évolution technologique du Japon. Immédiatement, mes petites mains se sont remises au travail. Expériences, échecs, nouvelles tentatives...et surtout le début d’une pression insupportable des Mizushima, qui commençaient à douter de mes capacités. De mon côté, le doute était réciproque: comment faire confiance à des sorciers sur le long terme? Je savais ne pas être à la hauteur de leurs attentes, même si certaines expériences se montraient fructueuses. Je gâchais du sang sorcier, et leur protection ne pouvait durer éternellement. Il fallait faire quelque chose.
Malheureusement pour moi, il semblerait que j’aie été trop lent. Un soir d’octobre 1922, alors que je revenais d’un entretien avec le conseil du Matsuren, une embuscade a été tendue dans ma propre demeure. Si je ne vivais pas seul, il y a fort à parier que femmes et enfants auraient été massacrés au même titre que ma personne. Difficile de lutter contre une vingtaine de tueurs entraînés, même lorsqu’on possède un pouvoir aussi puissant que le mien. Mon seul plaisir fut que j’ai pu entraîner dans ma mort une bonne partie de ces ennemis. Rude bataille, mauvaise issue, et un léger goût d’inachevé. Mourir ainsi ne me satisfaisait pas, je dois dire. J’avais aussi pris goût à un semblant de vie éternelle, comment cela pouvait-il s’arrêter si soudainement?
Très peu de mois ont passé cette fois, et c’est en février 1923 que j’ouvre les yeux une quatrième fois avec une seule chose en tête: la vengeance, froide et implacable. Mes années d’entraînement pour maîtriser mes émotions ne sont pas vaines: j’aurais pu exploser, lancer un tsunami pour noyer mes ennemis...mais ce serait me désigner coupable, et m’empêcher de vivre éternellement comme je le désire tant. Alors je prends mon temps pour planifier cette vengeance. Je commence par me rapprocher du conseil, mais aussi de ma famille que j’avais laissé de côté pendant un long moment. J’ai aussi “pardonné” officiellement les Mizushima: abandonnant les recherches pour quelques années, je me suis contenté de les ignorer quand bien même ma réincarnation leur faisait peur. A raison, bien entendu. Si la plupart étaient dupes, les commanditaires de mon assassinat ne dormaient pas sur leurs deux oreilles.
J’ai mis deux ans à orchestrer leur mort. Deux années entières durant lesquels mon influence sur le Matsuren s’est peu à peu fait ressentir, jusqu’à être devenu l’un des conseillers du chef de famille des Asuka. Si je n’étais pas dans le conseil, c’était pour une raison simple: mon ambition était plus grande. Maintenant que j’avais goûté la trahison d’une famille toute entière, il me fallait contrôler les autres pour m’assurer de leur loyauté. Pour cela, une seule solution s’offrait à moi: devenir le chef de cette organisation, le gérant, le modèle de tous les sorciers. Pour éviter un autre fiasco des Mizushima, il me fallait devenir Haut-Sorcier.
Avant cela, évidemment, j’ai dû accomplir ma vengeance. Avec la montée d’autres clans qui se rapprochaient dangereusement du nôtre, je n’ai pas tellement peiné à trouver un bouc émissaire parfait pour camoufler mon implication dans ce génocide. Un à un, j’ai traqué chaque personne ayant un jour porté le nom de Mizushima pour leur ôter froidement la vie. Tantôt par noyade, dévoré par des bêtes sauvages, tués par balle, poignardés, accidentés de la route...j’avais eu deux ans pour songer à toutes les façons d’assassiner ces traîtres, et j’avoue que je prenais mon temps. Dire que je n’ai pas peiné serait faux; j’ai évidemment eu quelques poches de résistance par-ci par-là, notamment chez le chef de famille et ses sbires les plus fidèles. Se doutant évidemment de mon implication dans la disparition des siens, le patriarche Mizushima a décidé de me garder à l’oeil tout en peinant à convaincre d’autres familles de faire attention à moi. Malheureusement pour lui, j’avais une bonne longueur d’avance; j’étais bien plus utile au clan que lui et ses idiots de cousins. J’avais un pouvoir élémentaire, souvenez-vous. Et je détenais plus de connaissances que la plupart des autres sorciers, avec mes multiples réincarnations, mais aussi grâce à mes recherches.
Le jour où le dernier Mizushima expira son dernier souffle sur terre fut le jour de ma renaissance. C’était un peu comme retirer une épine dans mon pied, une épine empoisonnée qui s’était logée là une bonne centaine d’années auparavant. Cependant la joie fut de courte durée; les humains, non content d’avoir déjà bien niqué l’histoire jusque là, se sont engagés dans une guerre sans merci qui nous a tous touchés.
A la campagne dans le nord, les bombardements et fusillades étaient plus rares. Mais nos affaires ont quand même dû être remaniées, afin de ne pas se laisser marcher dessus par les autres qui profitaient déjà de la guerre pour s’enrichir. Suivant une de mes suggestions, nous avons nous aussi commencé à massivement investir dans l’économie de guerre, tout en prenant soin de ne pas prendre parti. Si bien qu’une fois le conflit terminé, nous étions les premiers à injecter de l’argent dans la reconstruction des grandes villes, signant des contrats avec les Etats-Unis et écrasant le marché économique de notre poids en faisant valoir notre impartialité de l’époque. Nous, les sorciers, étions désormais un groupe bien organisé et tirions déjà les ficelles du monde visible. Tout ça grâce à de simples suggestions de ma part, qui m’ont mené naturellement sur la voie des élections. C’est donc vers les années cinquante que ma famille me place en tant que candidat à la direction du clan. Cela signifie que quoi qu’il arrive, je serais réincarné une nouvelle fois dans le futur même si je ne suis pas choisi pour diriger le Matsuren. Ce qui honnêtement serait une grossière erreur pour eux, étant donné tout ce que j’avais fait dans cette vie-là.
Je me suis éteins durant le mois de septembre 1955, d’une manière plus paisible que ma précédente incarnation. J’avais perdu de précieuses années sur mes recherches, mais elles étaient nécessaires; contrôler la loyauté des autres sorciers, maintenant que mes anciens protecteurs n’étaient plus de ce monde, était primordial si je voulais qu’on me foute la paix avec mes expériences. Rien ne m’empêcherait de les réaliser de nouveau une fois réveillé...ce même si je ne suis pas élu comme futur Haut-Sorcier.
2 janvier 2020. Si je conserve un visage de marbre et un air désabusé, ma joie est bien réelle lorsqu’on m’apprend que je suis désormais le Haut-Sorcier du Matsuren. J’ai été élu presque à l’unanimité, pour ma vision sur l’avenir mais aussi grâce à mon pouvoir. A cette époque, les Mephicents commençaient déjà à sérieusement se rebeller, comme si leur donner un peu de liberté leur avait donné envie d’en avoir plus. J’ai donc commencé par resserrer la bride sur ces démons, puis ai pris le temps de rattraper mon retard sur les années précédentes. Malheureusement pour moi, tout ne se passe jamais comme prévu…
Un groupe né à la fin de la guerre, une communauté de vampires belliqueux, a fait l’erreur de nous voler l’objet le plus important du Matsuren: l’artefact ayant permis de contrôler les démons, d’en brider les pouvoirs. Ce ne fut qu’une histoire de temps, mais cela suffit pour déstabiliser des centaines d’années d’un équilibre précaire. Ma famille et moi-même avons dû réparer les dégâts, comme au bon vieux temps, tout en étant obligés de brider nos propres pouvoirs pour conserver les humains dans l’ignorance. Depuis ce jour, je tiens le Tsunashi-kaï à l’oeil; je ne sais toujours pas s’ils ont fait exprès ou s’ils étaient juste stupides. Dans le doute, je préfère les croire intelligents. On ne sait jamais.
Aujourd’hui, je suis un homme débordé. Du haut de mes quarante ans d’apparence, je suis le leader d’un clan, PDG officiel d’une entreprise - que mon adjoint gère en réalité dans sa quasi-intégralité -, chercheur et nouveau sorcier référent d’un Mephicent particulièrement instable. Et certains se demandent encore pourquoi je vis seul dans ma tour d’ivoire...s’ils savaient! Un jour peut-être, le monde entier sera dans le creux de mes mains. Evoluer dans l’ombre et jouer au marionnettiste...j’ai des années de pratique derrière moi. Alors un petit conseil à ceux qui souhaiteraient tester les nerfs du Matsuren: l’eau, ça mouille.