良丸 ▽ Don't mess with me, I'll shoot you down.

Une famille équilibrée ?... A vrai dire, c’est au sein du clan Yamaguchi que j’ai trouvé ma famille. Mon père biologique était un salaud, ma mère une femme douce mais effacée. Une famille aisée, dans une jolie maison d’un quartier tranquille. Des écoles privées que j’ai fréquenté de la primaire au lycée, puis ensuite les études tout frais payés par mon paternel. Ecole de commerce prestigieuse, résultats brillants : j’avais devant moi une carrière prometteuse dans les affaires, mais… Rien ne se passe jamais comme prévu, n’est-ce pas ?... Je suis parti dès la fin du lycée, préférant rester dans une chambre universitaire un peu minable plutôt que de rester un instant de plus dans cette maudite maison. Ma sœur aînée avait de toute manière fait exactement la même chose que moi, et notre petit frère ferait de même lui aussi. Moi, je suis l’enfant du milieu : né trois ans après l’aînée de la famille, j’ai également treize ans de plus que le petit dernier : Yoshinobu. Un écart d’âge conséquent, qui empêche de lier des liens forts, n’est-ce pas ?... Je crois qu’il devait être un accident pour arriver si tardivement, ou une tentative désespérée de ma mère pour sauver son mariage déjà foutu depuis longtemps. La famille Honda, bien que parfaite sur les photos est une simple façade. Retrouver son père avec sa maîtresse dans le lit, voir sa mère pleurer tous les soirs… Ah, quelle belle famille de merde. Mais puisque l’argent était là, nous devions faire mine que tout allait pour le mieux.

C’est finalement mon meilleur ami d’enfance, qui m’a sorti de là. Kenji c’était le fils des voisins, qui a le même âge que moi. Nous avons grandi ensemble tous les deux et lui a commencé à filer un mauvais coton assez tôt. J’ai moi aussi eu une adolescence catastrophique, fait crier mon père et pleurer ma mère quand ils ont dû venir me chercher au commissariat à 15 ans pour ivresse sur la voie publique. Le tout après avoir gerbé sur les pompes d'un flic. Faire semblant, c'est ce que j'ai du faire une bonne partie de ma vie. Il n'y a qu'avec mon petit frère et ma mère, que j'ai toujours été honnête. « Plus tard, Kenji-kun et moi on deviendra des gangsters. Comme ça, maman et toi, vous serez à l'abri. » C'est ce que j'avais confié au petit Yoshinobu quand lors d'une de mes visites dominicales, il s'était mis à pleurer après une énième dispute entre nos parents. «Mais c'est un secret, d'accord Nobu-chan ?»

J'ai toujours eu du mal avec les secrets. C'est d'ailleurs ce qui détruira notre famille quelques années plus tard, quand la vérité éclatera finalement sur la véritable nature de notre géniteur. En tant que frère aîné, j'avais toujours été un exemple à suivre pour mon jeune frère. Une sorte d'idéal, de héros qui l'a très mal pris quand j'ai annoncé mon mariage à venir lors de son adolescence. C'est à ce jour, la seule dispute que nous ayons eu lui et moi : Abandonné, trahi, c'est ce que Yoshinobu a ressenti. « Tu ne tiens pas tes promesses, enculé ! » Mais les insultes, ça n'a pas été le pire. Le pire, c'est l'explosion qui a suivi. Si l'on pense que le bombardement de Nagasaki était violent, ce n'était rien comparé à ce qu'il se passerait ce soir-là dans notre famille. Yoshinobu qui éclate, mais surtout, qui dévoile tout. Sur ce que ce porc lui fait depuis des années. L'aîné des garçons, Yoshimaru qui poignarde donc le paternel en question ce soir-là. Et seulement quelques semaines plus tard... La police qui m'apprend que toute ma famille a été tuée et qu'il n'y a que mon petit frère qui soit encore vivant.

Un long procès compliqué. Un Yoshinobu amorphe la plupart du temps, et moi qui insiste pour qu'il ne soit pas déjà jugé comme un adulte pour ses crimes. Le clan a aidé à payer les avocats, pour éviter un emprisonnement à vie à mon benjamin. Puis finalement, le verdict tombera : internement en asile psychiatrique, car jugé non responsable de ses actes à cause d'une maladie mentale. Le coup de massue, pour moi qui espérais qu'il serait relâché rapidement. Mais les victimes sont tout de même punies, semblerait-il...  

Avez-vous déjà entendu parlé de l'effet papillon ?... C'est exactement ce qu'il s'est passé dans ma vie, et dans celle de mon petit frère. Des secrets enfouis, des mensonges répétés qui quand ils ont été dévoilés, ont tout fait exploser. Une agression à l'arme blanche sur notre géniteur pour moi, puis ensuite le meurtre de nos deux parents perpétué par mon benjamin. Le nom de famille changé, reniant celui de Honda pour prendre Mizoguchi à la place, et ne plus jamais au grand jamais être associé à un pédophile incestueux. Un mariage sinistre pendant que mon frère était interné, un divorce peu de temps après, malgré la naissance d'un petit garçon. Trouver le réconfort dans les bras d'une putain, qui s’avérera être une toxicomane. Découvrir l'existence d'un marché parallèle à celui des Yakuza, bien plus sombre que tout ce que vous pouvez vous imaginer. Trembler d'horreur en étant recouvert du sang d'un type à qui vous avez envoyé une balle en pleine tête, mais qui pourtant se relève en ricanant. Une garde à vue bien trop musclée que je préférerai oublier. Puis finalement, ce qui devait arriver : la prison pour un moment. L'état de Yoshinobu qui se dégrade, maintenant que je ne suis plus là pour lui rendre visite et m'assurer qu'il est bien traité.

C'est en 2018, que je sortirai finalement de prison. Une sortie en grande pompes, pour me remercier de ne jamais avoir parlé, une belle promotion aussi et Kenji qui monte en même temps que moi pour devenir Wakagashira. J'aurais pu être heureux, jouer de ce nouveau pouvoir pour enfin faire sortir mon frère de l'asile. Mais celui-ci s'est visiblement débrouillé sans moi. J'ai laissé un enfant, pour retrouver un jeune homme. « C'est drôle, Maru-chan ressemble quand même beaucoup à Taka-chan ! »