Kiyama Kohaku - I'll seek you out, flay you alive. One more word and you won't survive ...

Nagoya. Printemps 2000, le 15 avril plus précisément. C’est à cette date que j’ai vu le jour. Cette histoire avait très bien commencé … J’étais le premier enfant de mes parents, à peine mariés depuis quelques mois et encore dans la fleur de l’âge. Tout leur souriait. Je ne me souviens pas vraiment de mes parents, ni de mes premières années avec eux. Tout ce qu’il me reste c’est quelques photos jaunies. J’avais à peine trois ans quand la vie leur a été arrachée. Je ne l’ai su que bien plus tard, mais je peux vous le raconter maintenant … Mes parents ont été attaqués par un vampire. Probablement une jeune créature qui n’avait pas de contrôle sur ses pulsions. Un vampire qui avait des comptes à régler peut-être, je n’ai jamais réellement su si on me cachait quelque chose à propos de mes parents. Je ne sais pas pourquoi elle m’a épargnée, parfois je me dis qu’elle aurait pu me tuer aussi, ça n’aurait pas changé grand-chose. Elle n’avait peut-être pas remarqué ma présence … D’après le directeur de l’orphelinat dans lequel j’ai été recueilli, Sawamura Ryosuke, je dormais à poing fermé dans la poussette quand la police est arrivée sur les lieux m’a trouvé. Lui-même sorcier et familier à l’existence d’autres créatures, il a rapidement compris ce qu’il s’était passé. Alors il m’a pris sous son aile. Officiellement, mes parents ont été assassinés par un déséquilibré et le bébé que j’étais à été placé en orphelinat. Là-bas, Ryosuke a toujours essayé de me protéger, de peur que le vampire responsable de ce désastre ne vienne terminer ce qu’il avait commencé. Même si je n’étais qu’un enfant et que je ne me souviens de rien … Et tout ce que je vous raconte-là, je l’ai su bien plus tard …

J’ai grandis dans cet orphelinat entouré d’autres enfants. Chacun avait son histoire et même si je connaissais la plupart des pensionnaires à force de les observer de loin, j’ai toujours eu du mal à me mêler à eux. Je préférais rester dans mon coin. Très jeune j’étais déjà assez renfermé et solitaire. Je préférais passer mon temps à jouer dans le bureau de Ryosuke, à force, il est presque devenu comme un second père pour moi. Ma vie à l’orphelinat n’avait rien de particulier, c’était ma maison et aussi mon école, le personnel se chargeait de nous instruire. Ce qui a particulièrement marqué mon enfance et le début de mon adolescence ce sont les cauchemars récurrents que je faisais. J’ai compris plus tard qu’il était lié au décès de mes parents, dont j’ai probablement été témoin. Si vous me demandez si je m’en souviens, je vous répondrais que non, j’étais bien trop jeune … Il semblerait que mon subconscient ait gardé ce traumatisme enfouie pour le jouer à nouveau une fois la nuit tombée. Mes cauchemars sanglants et terrifiants pour l’enfant que j’étais, se transformaient parfois en véritables terreurs nocturnes. Pendant une période, je refusais catégoriquement d’aller me coucher. Il a fallu que Ryosuke improvise un autre lit dans la chambre qu’il occupait lui-même à l’orphelinat pour que j’accepte d’aller dormir. Dans ces cauchemars je voyais mes parents … Une créature qui les attaquait et du sang, beaucoup trop de sang. J’étais tétanisé, témoin passif de cette scène macabre. Quand j’étais plus jeune, on me racontait que mes parents avaient eu un accident, sans entrer dans les détails, alors je n’ai fait le lien avec ces cauchemars et le traumatisme de mon enfance que bien plus tard. Chaque fois qu’un adulte me demandait de parler de mes cauchemars, je refusais et ça a bien duré des années, malgré les spécialistes que Ryosuke m’emmenait voir.

J’ai passé des années dans cet orphelinat. Je voyais parfois mes camarades partir avec une nouvelle famille. Je ne crois pas les avoir déjà envié un jour. Je voulais rester ici. De toute façon, qui veut adopter l’enfant qui reste à dessiner dans son coin, quand des parents viennent pour potentiellement adopter l’un d’entre nous. Les futurs parents préfèrent les enfants mignons et sociables, non ? Si on faisait le premier pas vers moi, je n’étais pas non plus fermé à toutes interactions, mais je crois que je n’ai jamais été très doué pour me mêler aux enfants de mon âge. Je cherchais d’avantage la compagnie des adultes. Quand je ne dessinais pas, j’aimais beaucoup écouter de la musique … Ryosuke m’a transmis sa passion pour le violon, qu’il n’a malheureusement jamais pu maîtriser, mais c’est grâce à lui que j’ai pu avoir cette chance … J’ai donc suivis des cours de violons pendant des années. Le dessin et la musique sont rapidement devenus mes deux moyens d’expressions favoris.



C’est seulement à l’âge de 11 ans que j’ai finalement retrouvé un semblant de famille … Ce n’est autre que Ryosuke lui-même qui a décidé d’officiellement m’adopter. Dans la quarantaine, toujours célibataire, sans enfant, il a dédié sa vie à l’orphelinat. Je n’avais pas de famille et lui non plus. Il était aussi la personne en qui j’avais le plus confiance. Au fil des années nous avions tissé un lien et je crois que je n’aurais accepté personne d’autre comme membre de ma nouvelle famille. Peu de temps après l’officialisation de mon adoption, Ryosuke a décidé de me révéler la vérité au sujet de sa nature de sorcier, des créatures qui cohabitent avec les humains sans même qu’ils ne s’en rendent compte et surtout … L’accident de mes parents. L’attaque de ce vampire. Il va de soi que je ne m’attendais pas à ça. Même si j’ai immédiatement fait le lien avec mes cauchemars … Ils se sont espacés avec le temps, mais ils venaient toujours m’embêter certaines nuits, quand mes insomnies ne m’empêchaient pas de trouver le sommeil. Depuis que je connais la vérité, je voue une haine pour les vampires. Je n’en ai jamais rencontré moi-même, mais un jour je vengerai mes parents. Même s’il me faut tuer tous les vampires qui croiseront ma route.

Quand j’ai eu dix-huit ans, Ryosuke a décidé de déménager à Tôkyô pour que je puisse étudier dans une bonne université et lui aurait l’opportunité d’être soigné dans un hôpital réputé. Il avait une cinquantaine d’année, mais son cœur était fragile et malade … Certains évènements sont injustes dans ce bas monde. Les études ça n’a jamais été mon truc. Je passais plus de temps à dessiner, suivre mes cours de violon ou jouer aux jeux-vidéos plutôt qu’à faire mes devoirs, mais … Je voulais faire plaisir à celui qui m’a donné une seconde chance dans la vie. Je suis entré à l’université en sciences cognitives. Sur le papier ça avait l’air classe, mais je m’ennuyais comme un rat mort en cours. Cependant, le temps à passer. Je faisais de mon mieux pour ne pas rater tous mes examens, ce qui n’était pas toujours une réussite. J’ai passé la première année de justesse. Quand on me demandait ce qui n’allait pas à la fac, je prenais la santé de mon père adoptif comme excuse, souvent les gens me laissaient tranquille. Quand Ryosuke me demandait si les cours se passaient bien, je mentais … Je n’en suis pas fier, mais je ne voulais pas le décevoir.



Il y a six mois, je l’ai perdu. L’état de son cœur ne s’arrangeait pas et après une admission à l’hôpital en urgence. Je l’ai perdu. Je n’entrerai pas dans les détails, j’ai toujours du mal à accepter ce qu’il s’est passé. J’ai perdu mes parents quand j’étais enfant, puis mon père adoptif … Quelqu’un doit me haïr quelque part pour me faire subir toutes ces épreuves et si seulement tout s’arrêtait ici … Suite au décès de mon père adoptif mes insomnies se sont fait plus récurrentes. Il y a toujours des périodes où je peine à m’endormir, ce n’est pas comme si c’était nouveau. Au fil des années, j’ai pris l’habitude de sortir le soir, pour me changer les idées plutôt que de me tourner et retourner dans mon lit. Un soir, cependant, je n’aurais probablement pas dû. J’ai croisé la route d’un loup … Je n’étais qu’un simple humain, mais ayant un sorcier pour père adoptif, j’ai pu en apprendre beaucoup sur les créatures qui nous entourent. J’aimais me plonger des heures dans ses livres « particuliers » come il les appelait. Au départ j’ai eu du mal à y croire, bien entendu, mais … Ryosuke m’a souvent démontré ses talents de sorciers et … Je ne pouvais que le croire.

C’était la première fois que je me retrouvais face à une vraie créature et pas seulement en feuilletant les livres de Ryosuke. Je n’ai pas eu le temps de réagir. Il m’a mordu. Je n’étais qu’un simple humain face à un loup, je n’avais aucune chance … Je peux au moins m’estimer heureux qu’il ne m’ait pas tué ? J’ai été mordu à l’avant-bras. La blessure n’était pas belle à voir. Ce soir-là je suis retourné à l’appartement où je vivais avec Ryosuke il y a encore quelques mois, encore confus. J’ai désinfecté comme je pouvais. Les jours qui ont suivis ont été étrange … Mon reflet me paraissait étranger. Mes yeux semblaient changer de couleur par moment. J’étais constamment irritable et je m’isolais plus que d’habitude, tirant définitivement un trait sur mes cours. Personne ne me demandait de compte, vu ce que je venais de vivre. Quand en me levant un matin, quatre ou cinq jours après cette morsure, j’ai vu des crocs saillants dans le reflet que le miroir me renvoyait, j’ai compris que ce n’était pas juste la mort de Ryosuke qui me rendait dingue. J’ai déjà lu des choses sur les transformations, mais j’aurais aimé qu’il soit toujours là … Il aurait su quoi faire. Ce n’est pas Ryosuke qui m’a aidé, évidemment, mais un inconnu qui est venu frapper à ma porte. Le loup qui m’a mordu. Au départ j’ai pensé le chasser de chez moi, en colère contre lui pour ce qu’il avait osé me faire. Un accident ? J’ai bien cru que j’allais le frapper quand il a prononcé ces mots. Pourtant, je dois reconnaître que son aide m’a été précieuse, surtout pour traverser ma première transformation … C’était si douloureux … Mes souvenirs sont vagues. Je me souviens seulement de cette envie de mourir pour mettre un terme à ce que je ressentais autant physiquement que mentalement. J’aurais préféré la mort à une telle douleur. Pourtant, au petit matin, une fois la pleine lune passée et ma forme humaine retrouvée, j’étais toujours vivant.



Depuis j’ai déménagé dans un appartement plus petit et moins empreint des souvenirs de mon père adoptif … J’ai laissé tomber mes études et j’ai été embauché comme assistant bibliothécaire dans un établissement de la capitale. J’ai aussi pris l’habitude de jouer aux jeux-vidéo sur internet, une façon comme une autre de penser à autre chose. Tout l’argent que je peux économiser va dans mes cours de violon. Un jour j’aimerais pouvoir m’inscrire au conservatoire … Je suis sûr qu’il aurait été fier de moi.