Nomura Katsuki - Strangers from Hell

Tu sais papa, je pensais qu’on avait une vie idéale, qu’on ne pouvait pas faire mieux. On était une vraie famille. Et j’étais si fier d’être un grand frère, même si, ne nous mentons pas, Hana était une véritable tornade qui passait son temps à dévaster ma chambre. J’étais trop jeune, trop innocent, pour imaginer que ce bonheur pouvait voler en éclat. Je croyais que ça durerait toujours. On était bien, tous ensemble. On était heureux. Tellement heureux.

Tu sais papa, je ne l’ai quitté des yeux qu’un seul instant, pour ramasser le ballon d’un gamin. Juste une seconde. Une seconde pour briser nos vies. Je devais la surveiller. C’était mon rôle. Parce que j’étais l’homme de la maison quand tu étais au travail. Parce que tu me faisais confiance pour prendre soin de Hana. Elle était sur la balançoire avec son sourire tendre. Avec ce sourire qui faisait fondre les iceberg, un sourire gravé dans le coeur. J’ai hurlé son nom à m’en briser la voix. Je l’ai cherché de toutes mes forces. Mais qu’est ce que je pouvais faire du haut de mes onze ans ?

Tu sais papa, je l’ai vu, ta lente et agonisante descente aux enfers. Je t’ai vu sombrer sans pouvoir t’aider. Une impuissance qui laisse aujourd’hui des cicatrices. Tu ne rentrais plus à la maison. Et je ne pouvais même pas t’en vouloir. Tu l’as cherché, sans relâche, jusqu’à l’épuisement. Je me suis toujours senti coupable malgré tes mots. Tu disais que ce n’était pas de ma faute. C’était un joli mensonge. Un mensonge qui t’as poussé à passer cette corde autour de ton cou. Qu’est-ce qui s’est passé papa ? Qu’est ce que tu as trouvé ? Qu’est ce que tu n’as pas trouvé pour te pousser à mourir ? A nous abandonner.

Tu sais papa, quand je t’ai trouvé, j’ai perdu ma voix, mes nuits secouées par de terribles cauchemars. Ton absence, elle nous a brisé, maman et moi. Il en a fallu du temps, pour remonter la pente, pour se sentir vivant à nouveau. Le jour ou Hana a disparu, j’ai perdu une partie de mon âme, et quand tu es parti, tu m’en arraché un autre morceau. Je t’ai détesté si fort pour ta faiblesse. Si fort papa. Je ne sais pas où j’ai pu trouver cette force d’avancer. Peut-être qu’au fond de moi je la savais en vie ? Que je ne pouvais pas l’abandonner.

Tu sais papa, Hana est là quelque part. Je le ressens, jusqu’au fond de mes tripes. Je la trouverais, pour toi. Pour qu’une fois, tu sois fier de moi. Je vis. Je survis. Je travaille. Je suis quelqu’un de bien. Un homme que tu aurais sûrement aimé. Je fais de mon mieux pour ne pas me laisser dévorer par notre passé. Par tous ces drames. Je trouverais. Ce qui t’a poussé à t’ôter la vie. Je te le jure papa. Je trouverais.